Journal de Coriolis,
il y a 30 ans. Beb Al’Malak
La
lune est pleine en cette soirée, et son éclat apaisant me ramène
aux lumières des feux de Beltaine qui célébraient la saison
chaude, autour desquelles je dansais, entourées de mes amis il y à
peine une saison.
Quand les inquisiteurs
ont commencé leur traque, j’avais la naïveté de croire que ce
n’était qu’un coup de sang, une folie passagère.
La réalité m’a
rattrapé quand j’ai du m’entasser, avec la peur de perdre la
main de mon Hoël encastrée dans la mienne, entourer de centaines de
mes semblables. Alors que nous attendions un bateau pour fuir notre
terre natale. Je n’ai pas honte de dire que sans lui je ne sais pas
si j’aurai eu la force et le courage d’accomplir ce périple.
Il
parait que cinquante bateaux au moins ont quitté les terres
occidentales avec à leur bord des centaines de personnes. Je ne sais
pas si ces chiffres sont exacts, je sais juste qu’avec nous une
quarantaine de personnes seulement ont établi leur campement ici,
avec l’accord du “Pacha”. Peut être d’autres arriveront dans
les prochaines semaines, je l’espère. peut être d’autres ont pu
trouver une autre terre accueillante en d’autres lieux.
En revanche j’ai la
certitude que les malheureux et malheureuses restées chez nous n’ont
que de maigres chances de survie, tant la haine à notre égard s’est
exprimée.
Il y avait 134
personnes à bord de de la “Recouvrance”, le bateau qui a bien
voulu nous embarquer et nous faire quitter le Cormyr. Arrivés sur
les rives Turkmishes, nous n’étions plus que 71. Le scorbut ayant
emporté vers les bas fonds la moitié des passagers.
A l’intérieur du
bateau, nous étions entassés; comme des bêtes, sans autre moyen
que de s’étaler les uns sur les autres pour pouvoir dormir. Ceux
qui avaient la chance d’être marin de métier avaient le privilège
de dormir dans les dortoirs, les autres furent installés dans les
cales, qui d’ordinaire transportaient des tonneaux de vins. Les
appartements du capitaine hébergèrent les quelques nobles embarqués
avec nous, mais leurs conditions de voyage ne me semblèrent pas à
envier. Coincés à une trentaine dans quelques pieds carrés, avec
guère plus de paillasses que nous pour s’allonger.
Une
fois débarqués, un long périple nous attendait avant d’arriver
jusqu’ici, je m’y attarderais plus longuement une autre fois. Une
chose toutefois à ce propos, les différentes altercations avec
créatures et bandits en chemin nous coûtèrent la vie d’une
vingtaine des nôtres, dont celle de la si précieuse Betsabé, mon
amie d’enfance, terrassée par les lames d’une horde
d’hommes-bêtes peu enclins au dialogue. Je pleure encore son
départ au moment où j’écris ces lignes.
Nous
sommes arrivés ici, en ces terres orientales il y a maintenant deux
lunes. Certains d'entre nous commencent à tisser des liens avec ce
peuple que je découvre. Si j’ai bien compris ils nomment leur
royaume “Calimshan” et leur château “Beb Al’Malak”.
Sans
vouloir dire que je me réjouis de notre sort, j’essaie de me
concentrer sur le côté positif de ces évènement, et je suis
reconnaissante de la chance qui est mienne de découvrir des terres
si lointaines de mes origines, ainsi que ce peuple fascinant que sont
les calishites.
Hoël a été
sollicité en sa qualité de médecin par la cour du Pacha, je ne le
vois donc plus beaucoup depuis quelques jours. Pour l’instant il
s’affère à apprendre les rudiments de la langue calishite. De mon
côté, j’ai rencontré quelques marchands locaux parmi ceux qui
nous ont guidé jusqu’ici, nous arrivons à communiquer
sommairement, leur activité ayant amené ces nomades à apprendre
les bases de ma langue. C’est grâce à eux si nous avons pu
arriver jusqu’ici, et établir ce campement en bordure de la ville.
Ces marchands, richement vêtus, ont autant de choses à raconter que
de marchandises dans leur roulottes, et tous les jours à leur côté
je me nourris de leurs histoires, rumeurs et légendes.
J’ai
pu comprendre qu’une tribu ancestrale de créatures étranges vit
non loin de chez nous. Ils n’ont que peu de contacts avec les
calishites, sans toutefois être ennemi. Il semble que leur
établissement ici remonte aux temps ancestraux, bien avant l’Empire
Shoon.
Des quelques bribes
que j’ai pu comprendre, l’empire Shoon fut le premier à établir
la paix en ces terres après la disparition des Djinns et Efrits. Je
ne sais pas si ces termes désignent des créatures ou des humains,
mais il semble qu’ils s’affrontèrent sans relâche avant
l’avènement de cet Empire Shoon et du contrôle de la zone par les
humains.
Voilà
que j’entends Hoël et ses confrères rentrer au campement, je m’en
vais de ce pas quérir des nouvelles.